Is Green Eggs and Ham a Real Thing

 

Issue d’une famille artistique (sesparents sont des peintresrenommés), Vasiliki Koukou se souvient toujours pratiquer la peinture. Elle n’a jamais pensé à faire un autre métier. Elle s’est toujours projetée dans le domaine de l’art. Mais plus qu’une profession, l’art est pour elle un quotidien. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts d’Athènes (2019), aujourd’hui, elle enseigne au Collège Américain d’Athènes (Athens College Hellenic American Educational Foundation). Son travail artistique a été récompensé par le premier prix de la Fondation Rosa Luxembourg et le deuxième prix de la Fondation V. M. Theocharakis.

L’écriture visuelle de Koukou est caractérisée par la nostalgie de l’enfance. Simple et cohérente, cette écriture parvient à s’articuler directement de l’artiste au spectateur.Les formes primitives et les gestes abstraites impressionnent par leur intimité.Vassiliki n’essaie pas d’imiter la technique de la main d’un enfant. Elle se laisse s’exprimer comme un vrai enfant, transformant le processus de création en un jeu sans fin et dans lequel c’est elle qui fixe désormais les règles et décide des formes de ses jouets. À travers ses œuvres, elle s’intéresse principalement à créer un environnement libre pour l’imagination. Elletente d’inciter les spectateurs à rechercher l’enfant qu’ils ont laissé derrière eux. Sans maîtrise excessive de la technique, Koukou manie avec dynamisme les couleurs de sa palette et suggère des mondes imaginaires qui débordent de vie.

M.X.: Comment abordes-tu le jeu en tant que concept à travers ton travail ?

V.K.: Je n’aborde pas que le sens du jeu. Les souvenirs d’enfance occupent aussi une place primordiale dans mon travail. Je continue ma vie d’adulte en gardant ces souvenirs qui me guident dans la création. Je m’adresse aux spectateurs qui cherchent cet enfant qui en étaient quelques années avant. Je crée des histoires dans ma tête et j’alimente mon imagination de cette période si tendre et innocente de l’enfance. Je crois qu’en réalité à travers mes œuvres je fais revivre le jeu qui manque actuellement à ma vie. Nos vies d’adultes nous éloignent de l’insouciance et nous font oublier la magie de rêver ou d’imaginer des mondes et des êtres. En utilisant la peinture et la sculpture je peux partager ces pensées avec le public.

Beefish

 

The Jungle

 

M.X.: Comment as-tu décidé de traiter ce sujet ?

V.K.: L’enfance est considérée comme l’une des périodes les plus importantes de la vie d’un artiste. On y recourt tous pour exprimer des soucis, des peurs, des angoisses, des doutes ou l’affection, la joie et l’insouciance.Dans mon cas, j’ai toujours été intéressée de ce sujet.Le fait qu’en raison du système éducatif et des obligations qui s’imposent à un enfant dès son plus jeune âge, elles le retirent du jeu et limitent les possibilités de son imagination. Je crois que cela a joué un rôle dans mon cas également et a créé la nostalgie des heures de jeu et d’insouciance.

 

Go and take a Running Jump

 

M.X.: Ya-t-il des souvenirs et des expériences du passé qui viennent vous inspirer dans ce travail?

V.K.: Ma principale source d’inspiration est mes propres moments de jeu.Surtout le sentiment que tous les enfants ont que leurs jouets sont vivants et la magie de créer des histoires entières autour de la vie d’un jouet.J’essaie aussi d’utiliser autant d’images ou de sentiments que j’ai retenus de rêves ou de cauchemars d’enfance.

M.X.: Dans quelle mesure est-il possible aujourd’hui d’entrer dans la pensée et la technique d’un enfant en tant qu’adulte ?

V.K.: La spontanéité et la liberté d’expression sont deux éléments de l’enfance que nous pouvons les maintenir inchangés à travers l’art, dans notre vie d’adulte. Personnellement, pendant les moments de la création artistique, je me sens devant le canvas comme un petit enfant jouant avec ses jouets. Ce qui change c’est que les jouets sont les matériaux que j’utilise selon les besoins de mon travail. De nos jours, il est difficile pour un adulte d’entrer dans la pensée et la technique d’un enfant et en même temps, les enfants ont tendance à perdre leur enfance plus rapidement en raison du rythme rapide de la vie quotidienne et du développement accru des réseaux sociaux.

 

Karagkiozis

 

M.X.: En plus des dessins, tu as créé une série de sculptures en bois. Comment est née l’envie d’aller dans l’espace à travers la sculpture et les installations ?

V.K.: L’évolution plastique de mon travail en sculpture découle de mon expérience d’enfant ayant une distance physique avec une grande partie de mes jouets. J’appartiens à une génération d’enfants qui ont grandi avec d’autres formes de jeux et de divertissements : les jeux vidéo comme les dessins animés confinent un enfant devant un écran. Le contact de cet enfant avec le jouet – stimulus reste donc essentiellement visuel. Je me souviens qu’à un jeune âge, j’essayais même de toucher les personnages qui apparaissaient à l’écran. Lorsque j’ai terminé la série Fantasy World, j’ai pensé qu’il était temps de « profiter » de l’art pour ajouter du volume aux créatures des peintures.

M.X.:Penses-tu que c’est un luxe pour un jeune de choisir de poursuivre un parcours artistique aujourd’hui ? Dans quelle mesure peut-on se réfugier dans l’art ?

V.K.: L’art est un refuge émotionnel et psychologique qui nous donne généreusement l’espoir et la force de continuer à vivre.Être artiste exige beaucoup de patience et de travail acharné avant tout. Aujourd’hui les artistes sont appelés à être des vrais professionnels qui créent mais organisent aussi à coté la présentation de leur travail. Je crois que si quelqu’un veut vraiment quelque chose, il peut le faire. Pour moi ce qui compte vraiment alors c’est s’engager dans l’art surtout motivé par le plaisir de créer. Puis, quand créer devient une nécessité vitale pour quelqu’un, l’art finit par devenir fatalement sa vie. Lorsqu’on aime ce que nous faisons on arrête de penser aux moments difficiles. C’est vrai qu’être artiste n’est pas toujours facile mais je trouve que concernant notre génération au moins il y a de nombreuses opportunités, par exemple des appels ouverts pour des prix, des résidence offertes, des concours etc.

 

Maria Xypolopoulou est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante. Actuellement, elle est doctorante en histoire à l’Université Paris 1 (Panthéon – Sorbonne). Elle travaille sa thèse sur le regard des photographes, les usages de la photographie et les représentations culturelles et du genre pendant la Première Guerre mondiale dans les Balkans. Son projet doctoral a bénéficié du soutien de l’Ecole Française d’Athènes (2017-2020) et de l’Historial de la Grande Guerre en France(2019). Elle a présenté ses projets artistiques en Grèce et en France en collaboration avec des galeries, institutions et autres commissaires d’art. Ses intérêts de recherche incluent l’histoire de l’art contemporain, l’histoire du genre, l’histoire de a photographie et particulièrement l’histoire des femmes photographes.