Olga Soulahaki est née en 1991 à Athènes. Cette jeune artiste grecque a toujours voulu à travers sa pratique artistique exprimer ses pensées, ses sentiments et questionner les aspects intimes de la vie. Avec la peinture, la gravure et le dessin, elle cherche à répondre à ses propres besoins de communication et d’interprétation du monde. Récemment, nous nous sommes retrouvées avec Olga à l’occasion de la préparation de sa première exposition personnelle. Dans sa nouvelle série de peintures intitulée Mati23718 elle aborde une question sociale sensible dont elle va en parler à Artevezi.

L’exposition Mati23718 d’Olga Soulachaki est organisée à la Villa Kazouli à Athènes du 20 au 24 février.

 

Burning lilies, 60 x 60 cm, Oil painting on stretched canvas

 

M. X.: Comment est-il né le titre de ta prochaine exposition Mati 23718 ? Quelle histoire se cache-t-elle derrière ?

O.S.: Le titre de cette exposition est né en raison d’un triste événement dévastateur et traumatisant qui a eu lieu le 23 juillet 2018. Il s’agit des incendies de forêt à Mati, une station balnéaire à proximité de la ville d’Athènes. Les flammes se sont propagées rapidement, piégeant les gens dans leurs maisons et leurs voitures et même ceux qui ont fui vers la mer. Plus de 104 personnes ont été immédiatement confirmées mortes. Au moins 164 adultes et 23 enfants ont été transportés à l’hôpital avec des blessures graves. Il faut souligner qu’il s’agit du deuxième incendie de forêt le plus meurtrier du 21e siècle, laissant des milliers de véhicules, de maisons (environ 4.000) et des pins et oliviers brûlés (environ 40.000). Mati est l’endroit où j’ai vécu mes années les plus stimulantes en famille, à côté de mon oncle et mes grands-parents. Ce n’est pas exclusivement un endroit ; il symbolise l’insouciance de mon adolescence, le souvenir des gens et des moments. Mati a une dimension existentielle profonde dans mes pensées.

 

The Congregation, 100 x 80 cm., Oil painting, stencil painting on stretched canvas

 

M. X.: Comment as-tu décidé et qu’est-ce qui te motives à traiter un sujet dans lequel tu n’as pas été directement impliquée ?

O.S.: En fait je ne l’ai pas décidé mais naturellement est venu un fort besoin d’exprimer à travers la peinture un sentiment profond de la perte que j’ai senti les jours suivant l’événement. J’ose à dire que pour moi c’est une perte existentielle, car c’est un endroit qui me rappelle que le noyau le plus profond de notre renaissance était perdu. De ce point de vue, à travers ces œuvres, je souhaite exprimer l’identification de la perte écologique et existentielle et utiliser la mémoire comme élément fédérateur pour provoquer aux visiteurs une réflexion et l’empathie sur cet événement dramatique.

 

Silence runs behind them, 80 x 70 cm., Oil painting on stretched canvas

 

M. X.: L’originalité du choix de ce sujet se trouve dans le fait, que les artistes décident rarement d’aborder des questions liées à des tragédies causées par des phénomènes naturels tels que le tremblement de terre, l’incendie ou la pluie. Ils sont traités généralement en tant que des sujets d’actualité, puis ils disparaissent. Selon vous, quel est le rôle qui peut jouer l’art ? Est-ce la contribution de l’artiste est uniquement reliée à la mémoire et à rendre hommage ?

O.S.: L’art donne un sens à nos vies et nous aide à comprendre le monde. C’est une partie essentielle de notre culture car elle nous permet d’avoir une compréhension plus profonde de nos émotions ; cela augmente notre conscience de soi et nous permet également d’être ouverts à de nouvelles idées et expériences. Ainsi, cette collection d’œuvres d’art ne rend pas seulement hommage à tous les morts ou les vivants (personnes, animaux et nature) de cette mésaventure, mais éveille également nos esprits et nos âmes avec espoir. Quand nous sommes touchés, nous sommes émus ; Je crois que l’art contribue à la société en aidant le monde à être un meilleur endroit à vivre, nous aide à comprendre ce que nous sommes en tant qu’êtres humains et influence nos relations les uns avec les autres. Aussi cliché que cela puisse paraître, je crois que l’art peut changer le monde.

 

Blue Despair, 30 x 20 cm, Oil painting on wood block

 

M. X.: Il est intéressant que dans cette série tu utilises différentes techniques de peinture. Pourrais-tu nous les présenter ?

 

O.S.: Mais bien sûr, chaque scène, pensée et sentiment est naturellement différent et unique. Bien que j’aie utilisé différentes techniques de peinture, la principale technique de peinture est gestuelle. Les coups de pinceau sont énergiques et expressifs. Il y a un mouvement émotionnel qui est déclenché par des souvenirs, des pensées et des sentiments. Dans mon effort pour m’exprimer de la manière la plus significative possible, j’ai utilisé tous les médias et techniques ressentis pour exprimer mes états émotionnels en essayant de les restituer. Le collage et la broderie y ont joué un rôle très important. Les couleurs sont pour la plupart vives.

 

My HAIKU cries, 20 x 14 cm., Oil painting on wood block

 

M. X.: Dans les paysages tes touches deviennent presque abstraites et tu privilégies la couleur forte (rouge, orange, jaune). Est-ce un choix lié à la volonté de ne pas immortaliser directement la destruction ? On pourrait penser que c’est un message d’optimisme que tu veux exprimer?

O.S.: Peindre un événement aussi tragique est difficile en soi. Vous vous rendez compte que rien ne peut égaler l’ampleur de la véritable tragédie, de quelque manière que ce soit.
En le parcourant, j’ai senti que je ne souhaitais pas seulement capter visuellement la tragédie, mais les conséquences de toutes sortes que cette tragédie a eues sur nous. Je crois que cet événement concerne non seulement les personnes qui l’ont vécu ou qui y sont liés, mais le monde entier en tant que tragédie humaine et catastrophe écologique insupportable. Les couleurs qui sont vive symbolisent à la fois la vie et la violence des événements.

 

 

Maria Xypolopoulou est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante.
Actuellement, elle est doctorante en histoire à l’Université Paris 1 (Panthéon –
Sorbonne). Elle travaille sa thèse sur le regard des photographes, les usages de la
photographie et les représentations culturelles et du genre pendant la Première Guerre
mondiale dans les Balkans. Son projet doctoral a bénéficié du soutien de l’Ecole
Française d’Athènes (2017-2020) et de l’Historial de la Grande Guerre en
France(2019). Elle a présenté ses projets artistiques en Grèce et en France en
collaboration avec des galeries, institutions et autres commissaires d’art. Ses intérêts
de recherche incluent l’histoire de l’art contemporain, l’histoire du genre, l’histoire de
la photographie et particulièrement l’histoire des femmes photographes.

 

 

Bogdan Afrăsinei/ traducteur et modérateur des nouvelles internationales sur Artevezi. En 2016, il a obtenu le certificat de traducteur juré et jusqu’à présent il a eu des collaborations avec beaucoup d’institutions et agences publiques. Depuis son enfance il a eu la chance d’être guidé dans le monde de l’art par son grand-père – historien et critique d’art roumain. Actuellement, Bogdan est en charge de modérer les nouvelles internationales et de traduire les textes français, anglais et espagnols dans la rubrique Satelit 01001 d’artevezi.